La madrilène basée à Anvers nous raconte son expérience entrepreneuriale dans le secteur de la création dans l’une des villes les plus dynamiques et exigeantes de Belgique.

Nous avons eu l’occasion de rencontrer Carolina Tafalla lors de l’une de ses visites à Bruxelles et nous avons parlé de son intéressante expérience professionnelle, qu’elle développe depuis plus de 10 ans, lorsqu’elle décida de s’établir en Belgique. De nature inquiète et esprit créatif, elle combine à la perfection son travail d’artiste avec celui de productrice culturelle. C’est ainsi que cette madrilène installée à Anvers a réussi à se faire une place dans le secteur créatif de l’une des villes les plus dynamiques et exigeantes du pays.

Ses derniers projets en sont un exemple, comme sa récente participation dans diverses expositions au Centre Culturel NOVA d’Anvers et son incorporation au projet PROCESS de Multitude, un collectif d’artistes à Anvers qui utilise des espaces temporairement vides pour des activités culturelles. Indépendamment de son travail d’artiste, elle est responsable de okupArte, une initiative qui avec la devise “un espace vide est une perte d’espace”, a pour objectif principal de donner de la visibilité à d’autres artistes et créateurs. La particularité de ce projet est que les activités sont organisées dans des espaces privés appartenant à des entreprises disposées à céder leur espace pour des inaugurations, présentations et expositions en dehors des heures de travail.

De plus, elle collabore avec l’artiste Damiá Diaz dans ses projets dans le Benelux, étant donné qu’un grand nombre des collectionneurs intéressés par son œuvre se trouvent dans cette région.

Après avoir vécu et travaillé plus de dix ans en Belgique, qu’est-ce qui t’a amené à entreprendre et développer ton travail en solitaire?

Après mes études de droit, j’ai commencé à travailler dans une entreprise espagnole de marketing et ensuite dans le monde de la Publicité. Ce dernier m’a permis de développer mes compétences de gestion de projets et de favoriser mes inquiétudes artistiques grâce au travail continu avec des équipes créatives. Avec le passage du temps, j’ai commencé à ressentir la nécessité d’entreprendre une carrière en solitaire pour pouvoir consacrer du temps à mes inquiétudes créatives et me centrer sur un projet artistique propre. C’est quelque chose qui s’est fait de façon naturelle, tenant compte de mes intérêts personnels, formation et expérience acquises.

Tu vis à Anvers, l’une des villes les plus ouvertes et dynamiques de Belgique, comment ton installation là-bas a-t ’elle influencé ta carrière professionnelle ?

L’environnement d’Anvers est très créatif et offre fréquemment de nombreuses initiatives qui essaient de montrer le côté le plus transgresseur de la ville, permettant relativement facilement que des nouvelles idées éveillent l’intérêt et soient finalement acceptées. D’un autre côté, il existe en Flandre une importante tradition d’esprit d’entreprise et il est généralement facile de développer n’importe quel type d’activité ou d’entreprendre de nouveau projets. C’est la même chose dans le secteur culturel ; cette mentalité, peut-être quelque peu individualiste de la société, facilite le montage de projets dont le succès dépend de son propre travail. De plus, à Anvers le type de public qui assiste à des événements culturels est très vaste, il existe un intérêt général pour l’agenda culturel de la ville. Cette tendance à appuyer de nouvelles initiatives est ce qui m’a permis de me consacrer de manière autonome à ce qui m’intéresse vraiment.

Considérée comme une artiste pluridisciplinaire, que veux-tu transmettre par ton œuvre ?

Je veux rompre avec l’association prédéterminée d’idées et leur logique : avec la perception de ce que nous (ne) voyons (pas) et leur association avec ce que nous (croyons) connaître. Je suppose que l’invitation à la réflexion, l’importance que je donne aux détails, tournures et subtilités de mon environnement ainsi que la manière de les analyser, est l’héritage de ma formation de juriste. Je suis intéressée par la liberté de pensée, la complexité de ce qui nous entoure et sa simplification. C’est pourquoi je joue avec des éléments basiques : des formes, couleurs, lumière, reflets, compositions abstraites qui me permettent de simplifier des concepts et de repenser ce que nous voyons quand nous regardons. Ces compositions, réalisées à partir de matériaux et techniques très différents, permettent une observation depuis une nouvelle perspective, invitent à la réflexion, montrant des nuances que nous ne percevons normalement pas ou des images que nous n’identifions pas. Parfois je pars d’une matière, physique ou digitale, qui me séduit pour transmettre un concept, d’autres fois je pars d’une idée et j’analyse quel moyen est le plus indiqué pour la transmettre ; je n’aime pas me limiter, je préfère penser en totale liberté.

En conciliant ton travail d’artiste avec celui de productrice culturelle, prends-tu en compte cette philosophie dans les autres projets que tu réalises ?

Je suppose que oui, ce qui est certain c’est que je me sens très à l’aise quand je travaille dans des environnements très différents. Je m’adapte très facilement : le changement, la nouveauté et le challenge d’apprendre me stimule. Après mon passage par l’agence de publicité et travaillant pour des entités corporatives, j’ai appris à ne pas limiter une stratégie à un seul moyen. La tendance à envisager différents scénarios est sûrement le fruit de la combinaison de mon expérience publicitaire et de ma formation en Droit. Après avoir travaillé sur des projets très différents les uns des autres, j’ai une vision très large des possibilités créatives pour transmettre un concept ou une idée, et ceci m’intéresse spécialement parce que toutes les idées ne sont pas représentables de la même manière dans tous les moyens et tous les moyens ne sont pas compatibles avec chaque projet que je réalise.

En tant qu’espagnole qui a développé la plus grande partie de sa carrière en Belgique, quelles difficultés ou défis as-tu affrontés ?

En tant qu’artiste, à la différence de ce qui se passe en Espagne, je n’ai pas eu l’impression d’avoir plus d’avantages de par le fait d’être étrangère. Dans notre pays il existe une tendance à admirer et respecter plus des artistes formés hors de nos frontières. Je pense qu’en Belgique, peut-être plus à Anvers qu’en d’autres lieux, ils sont plus protectionnistes en ce sens, ils se sentent fiers de leurs artistes locaux. C’est pourquoi comme défi, en plus d’explorer des opportunités dans d’autres parties de la Belgique, je suis intéressée à garder mes contacts tant professionnels que personnels à Madrid et à renforcer des collaborations avec l’Espagne à court et à long terme.

– Entretien réalisé par Lara Molina